Transformer les repas dans les hôpitaux du point de vue de la durabilité

par Allison Gacad, boursière Loran et chercheuse de Nourrir la santé, et Annie Marquez, innovatrice de Nourrir la santé

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Il faut jongler avec plusieurs priorités au moment de créer un repas au sein du système de la santé : Le repas est-il adéquat pour le patient ou la patiente sur le plan nutritionnel? Respecte-t-il le budget alloué? Trouve-t-on une variété de couleurs et de textures dans l’assiette? Mais une nouvelle priorité prend aussi de plus en plus de place : Dans quelle mesure le repas est-il durable?

Le moyen le plus puissant à la portée des établissements de soins de santé pour être durables n’est pas d’éteindre les lumières ou de débrancher les appareils électroniques; c’est de changer la manière dont les patient.es mangent.

Le moyen le plus puissant à la portée des établissements de soins de santé pour être durables n’est pas d’éteindre les lumières ou de débrancher les appareils électroniques; c’est de changer la manière dont les patient.es mangent. De la production des ingrédients au traitement à l’usine, en passant par le transport de la nourriture jusqu’à l’assiette, la création d’un repas a de nombreuses conséquences sociales, économiques et environnementales qui vont au‑delà de la personne qui le mange. Si l’on multiplie cela par les milliers de repas qui sont préparés, servis et consommés tous les jours dans les établissements de soins de santé canadiens, on obtient un impact monumental.

Ce que les gestionnaires de services alimentaires décident de mettre dans l’assiette influence au bout du compte les problèmes systémiques mondiaux que sont les changements climatiques et la santé publique. Malgré cette énorme possibilité pour un changement proactif, ce ne sont pas tous les gestionnaires qui possèdent les outils et le savoir requis pour agir dans l’intérêt de la durabilité environnementale.

L’équipe du projet collaboratif de Nourrir la santé Des menus durables est formée de leaders du domaine de la santé qui souhaitent s’attaquer à ce manque de connaissances et encourager la transition vers une alimentation durable dans les soins de santé. Par l’entremise d’un guide de menus durables pratique et convivial à l’intention des gestionnaires de services alimentaires, l’équipe du projet propose des avenues pour encourager les choix durables et la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le milieu de la santé. Voici certaines des avenues présentées dans le guide :

 

Adopter les protéines végétales

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L’agriculture, c’est‑à‑dire le système à la base de la production alimentaire, est responsable de presque 24 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. La production de certains types d’aliments exige cependant beaucoup plus de ressources que d’autres. Le bétail, y compris la viande rouge, le porc et la volaille, compte pour 18 % des émissions de gaz à effet de serre de la planète. Des volumes d’eau considérables sont nécessaires pour donner à boire aux animaux et assurer leur hygiène. De grandes terres servent aussi à produire leur nourriture et même leurs processus digestifs naturels contribuent directement à la libération de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

En comparaison, les protéines végétales, comme les légumineuses, sont bénéfiques et non désastreuses pour l’écosystème des sols. En effet, elles sont reconnues comme des « cultures qui permettent de régénérer le sol », leurs propriétés permettant d’en améliorer la structure, d’en augmenter le contenu biologique et de réduire l’érosion.

Dans la plupart des établissements de soins de santé, les protéines traditionnelles sont des protéines animales, habituellement du bœuf ou du porc. L’utilisation de protéines végétales peut représenter un défi, mais même de petits gestes peuvent avoir de grandes conséquences. Selon l’organisme Healthcare Without Harm, « éliminer la viande une journée par semaine permettrait de réduire les émissions d’environ 1 milliard de tonnes (Gt) à 1,3 Gt par année, ce qui équivaut à éliminer 273 millions de voitures de sur les routes. » Les protéines végétales coûtent aussi beaucoup moins cher que leur équivalent animal. Leur coût est en fait approximativement quatre fois moins cher par gramme.

 

Moins de produits transformés, plus de produits entiers

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Des croquettes de poulet, des sacs de croustilles, des repas pour le four à micro-onde : les aliments ultra‑transformés ressemblent peu à des aliments entiers. On les décrit plutôt comme des compositions d’ingrédients industriels et d’autres substances dérivés d’aliments et de certains additifs. Non seulement ces produits sont riches en calories et faibles en valeur nutritionnelle, la quantité d’eau et d’énergie requise pour les produire est énorme. Les aliments transformés produisent aussi beaucoup de déchets de plastique, ceux-ci étant emballés pour optimiser le transport.

La commodité des aliments ultra‑transformés est attrayante dans le domaine de la santé. Des portions préemballées facilitent le service aux patient.es. Mais cela entraîne un coût en matière de nutrition, de durabilité et parfois même de finances. Il est donc bénéfique pour les patient.es et la planète de se tourner vers des produits entiers ou des aliments peu transformés, comme des fruits ou des légumes crus, ou des produits de boulangerie sains.

 

Alimentation locale et économie locale

Faire de l’approvisionnement local une priorité est une façon de satisfaire les exigences actuelles entourant la création de repas délicieux, durables et économiques.

Jennifer Reynolds, de Food Secure Canada, donne cinq raisons d’acheter des aliments locaux[1] :

  1. Réduire le nombre de kilomètres-assiette : Plus la distance parcourue est petite, plus l’impact environnemental est petit.
  2. Manger des aliments plus frais et savoureux : Les aliments locaux sont souvent récoltés seulement quelques heures avant d’être vendus. Leur fraîcheur offre plus de saveur.
  3. Manger des aliments en saison : Les fruits et légumes atteignent leur pleine saveur et maturité lorsqu’ils sont en saison.
  4. Appuyer l’économie locale : Les producteurs recueillent directement les bénéfices et les consommateurs peuvent savoir comment leur nourriture est produite.
  5. Une meilleure transparence : Les consommateurs ont une meilleure idée de ce qu’ils achètent.

 

Réduire le gaspillage

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Le gaspillage alimentaire entraîne des pertes de calories, d’argent et d’énergie. En 2010, la valeur annuelle de la nourriture gaspillée dans les hôpitaux canadiens s’élevait à environ 45 millions de dollars. Cela était dû en partie à un gaspillage en cuisine, lorsque l’on produisait ou préparait trop de nourriture, et en partie à un gaspillage par les patient.es, lorsque ces derniers ou dernières laissaient de la nourriture dans leur assiette. Il existe des méthodes simples à la portée des cuisines en milieu hospitalier pour réduire le gaspillage, par exemple faire congeler les restants de pain ou incorporer des protéines à des soupes pour maximiser l’utilisation des ingrédients achetés.

Réduire le gaspillage est un geste durable qui répond aussi au besoin d’améliorer la santé et la satisfaction des patient.es. En examinant ce que les patient.es laissent dans leur assiette et en quelle quantité, les professionnel.les de la santé peuvent détecter des signes de malnutrition et aider les gestionnaires de services alimentaires à déterminer les recettes qui devraient être améliorées.


Il est crucial à l’avenir de considérer l’alimentation saine comme synonyme de l’alimentation durable, et ce, pour la santé des patient.es, des populations et de la planète.

Il n’y a aucun doute que faire des choix durables peut profiter à la fois aux patient.es et à l’environnement. Les établissements de soins de santé qui décident de faire de la durabilité une priorité dans leurs cuisines seront vus comme des leaders en matière de santé publique. À une époque où les changements climatiques continuent d’aggraver les problèmes mondiaux actuels, par exemple la sécurité alimentaire, les maladies infectieuses et les phénomènes météorologiques extrêmes, il incombe aux hôpitaux de réduire l’impact du réchauffement climatique. Il est crucial à l’avenir de considérer l’alimentation saine comme synonyme de l’alimentation durable, et ce, pour la santé des patient.es, des populations et de la planète.