Bulletin

Aborder la prévalence de la malnutrition dans les hôpitaux canadiens

Dre Karen Cross a un cabinet fort occupé de chirurgie plastique et reconstructive à l’hôpital St. Michael de Toronto. Elle se spécialise dans la guérison complexe de tissus. Des patient.es viennent la voir lorsque leurs plaies ne guérissent pas. Certain.es sont diabétiques et souffrent de blessures chroniques aux pieds. D’autres ont subi des blessures traumatiques et éprouvent des difficultés à se remettre de leurs chirurgies.

Les patient.es de Dre Cross sont pour la plupart en « meilleure santé » que la population générale de l’hôpital, puisqu’elle effectue des interventions chirurgicales non urgentes et que ses patient.es ont le temps d’évaluer les risques et avantages possibles. Malgré ça, certain.es étaient aux prises avec des plaies ouvertes depuis plusieurs mois (ou même des années) lorsqu’ils ou elles sont venu.es la voir pour la première fois. Elle s’est donc mise à soupçonner que ces plaies qui ne guérissaient pas reflétaient un problème plus profond : la malnutrition.

Dre Cross et son équipe de recherche, dirigée par Dre Julie Perry, ont entrepris de dépister le risque de malnutrition des patient.es de la clinique en utilisant un questionnaire conçu et validé par le Groupe de travail canadien sur la malnutrition. Les résultats étaient surprenants : une personne sur quatre était exposée à un risque de malnutrition, et une personne diabétique sur deux ayant des plaies aux pieds était exposée à un risque nutritionnel. Ces résultats étaient de nature urgente, étant donné qu’il est crucial d’identifier les patient.es souffrant de malnutrition avant la chirurgie. En effet, cette condition peut entraîner des complications post-opératoires graves et aggraver les plaies qui ne guérissent pas.

 

Voir et comprendre la malnutrition

« La nutrition doit être vue comme une partie intégrante de la santé et son dépistage comme essentiel. Évaluer le taux de malnutrition devrait se faire automatiquement, comme prendre la tension artérielle. Vous savez quoi faire et il existe un système de soins pour réagir. »
— Dre Heather Keller, présidente, Groupe de travail canadien sur la malnutrition

Nous savons qu’une bonne nutrition et la consommation d’aliments sains sont favorables à la santé, au bon fonctionnement des organes et à la guérison. Cependant, nous n’évaluons pas systématiquement l’état nutritionnel des patient.es qui sont admis.es dans les hôpitaux canadiens. Pourtant, la malnutrition entraîne des complications médicales et chirurgicales, ainsi que d’autres effets néfastes sur la santé. Le taux de mortalité des patient.es souffrant de malnutrition 30 jours après l’hospitalisation est six fois plus élevé que celui des patient.es ayant un bon état nutritionnel. Selon une étude nationale réalisée par le Groupe de travail canadien sur la malnutrition, 20 à 45 % des personnes admises à l’hôpital souffrent de malnutrition. La même étude a aussi révélé des coûts d’hospitalisation considérablement plus importants pour ces patient.es, vu des séjours prolongés et des taux de réadmission plus élevés. Si tel est le cas, des expert.es se demandent pourquoi la malnutrition n’est pas considérée comme une crise nationale qui doit être prise au sérieux dans le domaine de la santé.

Une des raisons découle de la fausse idée qu’ont les gens au sujet de la malnutrition et de ce à quoi elle ressemble. Il est possible que des gens mal nourris ne se voient pas comme tels. Par exemple, souffrir d’embonpoint ou d’obésité est une forme de malnutrition. On parle de malnutrition lorsque le corps n’obtient pas la bonne quantité de vitamines et de nutriments pour assurer le fonctionnement adéquat des tissus et des organes. Il peut donc s’agir d’un manque ou d’un excès. Un grand nombre de gens pensent que la malnutrition est beaucoup plus présente dans les pays en développement, ou chez les enfants et les aînés.

 

Dépistage minimal de la malnutrition dans les hôpitaux canadiens 

« Nous avons montré aux hôpitaux qu’il est très simple de faire un dépistage. Cela ne retarde pas le processus d’admission, mais cela permet de réduire les coûts d’hospitalisation ainsi que les complications en cours de route. »
— Bridget Davidson, directrice, Groupe de travail canadien sur la malnutrition

La bonne nouvelle est que le Canada mène actuellement une recherche pour aborder la question de la malnutrition dans un contexte de soins actifs. Le Groupe de travail canadien sur la malnutrition conçoit des solutions permettant un dépistage précoce des enjeux nutritionnels chez les patient.es hospitalisé.es. Il propose également des mesures concrètes pour aborder le problème. Se concentrer sur les interventions dans les soins actifs représente une avenue puissante, puisque ce genre de soins est actuellement à l’origine de la plupart des coûts dans le système de santé canadien.

Le Groupe de travail canadien sur la malnutrition a créé et validé un outil simple et rapide pour dépister la malnutrition au moment de l’admission à l’hôpital. L’Outil canadien de dépistage nutritionnel comporte deux questions : 1) Au cours des six derniers mois, avez-vous perdu du poids sans avoir essayé de perdre ce poids? 2) Depuis une semaine, mangez-vous moins que d’habitude? Deux réponses affirmatives (oui) indiquent un risque nutritionnel. L’outil de dépistage peut être utilisé gratuitement et permet de se demander comment le système de la santé peut et devrait réagir.

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Un des plus gros obstacles est l’incertitude quant à la capacité des hôpitaux d’offrir un plan d’intervention aux personnes jugées à risque. Toutefois, des interventions simples, comme veiller à ne pas interrompre l’heure des repas et collaborer avec les services alimentaires pour proposer des aliments réconfortants, attrayants et culturellement appropriés, sont des façons de s’assurer que les patient.es se nourrissent bien. On trouve au Royaume‑Uni un protocole dans le cadre duquel les patient.es à risque se voient remettre des cabarets rouges, ces derniers servant d’indicateur visuel pour encourager le personnel infirmier et les nutritionnistes à aider les patient.es à lire les menus, faire des choix sains et recevoir un soutien physique au moment de manger. Procéder ainsi montre que l’hôpital est perçu comme un lieu d’intervention critique pour éduquer un auditoire captif sur les bienfaits d’une alimentation et d’un style de vie sains, et ce, avant que les gens ne retournent dans leur communauté.

Plus récemment, le Groupe de travail canadien sur la malnutrition a commencé à valider et mettre en place un « plan d’intervention nutritionnel » dans dix hôpitaux, dans le but d’en évaluer l’impact. Alors que sa première étude se concentrait sur l’impact et la prévalence de la malnutrition, la seconde se penche sur des solutions pratiques et réalisables à la portée des hôpitaux.

 

La malnutrition nous force à réfléchir au rôle de la communauté

« Nous savons que les aliments sont des médicaments et pourtant, des aliments sains ne sont ni prescrits par ordonnance ni couverts par l’assurance-maladie. Nous devons donc établir le rôle clé de l’alimentation dans la santé systémique des patients. »
— Dre Karen Cross

S’attaquer aux causes profondes de la malnutrition ne peut pas se limiter au milieu hospitalier. L’étape suivante consiste à créer des liens avec des approches communautaires pour comprendre la relation qui existe entre la malnutrition et certains déterminants sociaux en matière de santé : l’insécurité alimentaire, le manque d’éducation, des logements de mauvaise qualité et la pauvreté.

Mais grâce au dépistage dans les hôpitaux, le milieu de la santé ne peut plus ignorer la malnutrition ou la considérer comme un problème hypothétique. Des chiffres bien réels indiquent maintenant que jusqu’à 45 % des personnes admises à l’hôpital souffrent de malnutrition. Il existe de plus en plus de preuves, qui se traduisent en dollars, sur les effets néfastes de la malnutrition sur la santé et les coûts financiers en raison des séjours prolongés et des taux élevés de réadmission. Il est donc possible de convaincre ceux et celles qui élaborent et approuvent des politiques à l’aide d’un argument soutenu qu’investir dans l’alimentation dans le milieu de la santé, que ce soit en augmentant le soutien nutritionnel dans les hôpitaux ou en améliorant les services alimentaires, permettra de réaliser des économies considérables et d’obtenir de meilleurs résultats à long terme.

Nourrir la santé – Bulletin de Mars 2018 : Ce qu’offre réellement l’alimentation dans les soins de santé

La demande est grande pour des soins de santé plus efficaces, qu’il s’agisse entre autres de réduire les temps d’attente ou d’offrir plus de services à domicile. Cette approche de renforcement des capacités a toutefois certaines limites. Il faut donc essayer de réduire la demande au lieu de simplement améliorer l’efficacité des soins de santé offerts?

Investir sur le plan local : quand des politiques de soutien appuient les gestes posés sur le terrain

Deux leaders du projet Nourrir la santé, Marianne Katusin en Ontario et Donna Koenig en Colombie-Britannique, innovent avec leurs menus, leurs achats et leurs chaînes d’approvisionnement pour mettre plus d’aliments locaux dans le cabaret des patient.es. Toutes deux travaillent dans des provinces qui encouragent et font la promotion de l’alimentation locale grâce à des politiques de soutien qui rendent possible l’approvisionnement local.

Infographie Nourrir la santé : Les possibilités offertes par l’alimentation dans les soins de santé

Nourrir la santé et ses partenaires présentent une nouvelle infographie intitulée Les possibilités offertes par l’alimentation dans les soins de santé. Celle-ci illustre la façon dont les choix en matière d’alimentation peuvent améliorer l’expérience des patient.es, appuyer les gains et résultats organisationnels, et contribuer au bien-être communautaire.

Acheter de la viande élevée sans antibiotiques : si A&W peut le faire, pourquoi pas aussi les hôpitaux canadiens?

Les établissements de soins de santé doivent faire face à la résistance aux antimicrobiens, qui est considérée comme une menace mondiale pour la santé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Chaque année au Canada, plus de 18 000 patient.es hospitalisé.es développent des infections résistantes aux antimicrobiens. On estime que le coût médical total de ces infections atteint un milliard de dollars par année. Pourtant, les établissements de soins de santé n’utilisent pas le meilleur outil à leur disposition pour les aider à combattre cette résistance, c’est-à-dire leur influence et leur pouvoir d’achat alimentaire.

Nourrir la santé – Bulletin de octobre 2017

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Bulletin de octobre

Connecter l’ensemble des soins aux patients par l’alimentation
Par Jason Bilsky et Nourrir la santé

La route sera longue – Parler autrement de la nourriture d’hôpital
Par Stephanie Cook, Regina Qu’Appelle Health Region

Le jardin thérapeutique de l’HGM est devenu un modèle de guérison naturelle
Par Louise Quenneville, Hôpital Glengarry Memorial Hospital (HGMH)

Le patient aux commandes de ses repas!
Par Josée Lavoie, CHU Sainte-Justine

Laisser le patient nous guider : pour nourrir la réflexion!
Par Carlota Basualdo, Laura Tkach et Danielle Barriault, Alberta Health Authority 

 

Connecter l’ensemble des soins aux patients par l’alimentation

Corédigé par Jason Bilsky, PDG du Yukon Hospital, et l’équipe de Nourrir la santé

Quand une personne tombe malade et va à l’hôpital, elle ne voit pas chacun des éléments du système de santé – elle chemine plutôt de façon continue dans le système. Quel que soit l’hôpital ou les traitements et services, le patient vit généralement une expérience globale vers le rétablissement. Mais il remarque les lacunes. Dès qu’il passe le seuil de l’hôpital, la façon dont on l’oriente et l’information qu’on lui donne sur une base continue, la propreté des lieux et surtout la nourriture qu’on lui sert sont tous des facteurs qui contribuent à lui offrir une expérience holistique.

La nourriture servie dans l’établissement de santé est un poste budgétaire, mais elle peut aussi être un moyen de connecter l’ensemble des éléments du continuum des soins. Des repas qui réconfortent et qui guérissent sont un point de contact fondamental dans l’expérience des soins de santé, procurant au patient un sentiment de sécurité et de confort dans un milieu étranger où il se sent loin de chez lui. Plusieurs priorités entrent en concurrence dans le complexe système de santé, mais l’alimentation est un élément central du bien-être. Elle abat les murs entre l’hôpital, la maison et le reste de la collectivité.

L’expérience du patient fait partie des piliers stratégiques de l’hôpital et c’est le patient qui en définit la qualité. Cela signifie qu’il faut écouter l’entièreté du patient – les soins ne se limitent pas aux besoins cliniques et au traitement médical. Une approche holistique des soins axés sur le patient suppose que l’on considère la personne à l’extérieur de l’hôpital et que l’on comprenne son contexte social, sa situation familiale ainsi que ses traditions ou ses pratiques en matière d’alimentation.

Axer les soins sur le patient, c’est remettre le pouvoir et l’autonomie entre les mains du patient en lui permettant d’obtenir ce dont il a besoin pour se sentir en sécurité et bien entouré.
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Le Yukon Hospital choisit de servir des aliments traditionnels frais et nourrissants pour répondre aux besoins des Autochtones qui fréquentent l’hôpital. La maladie est un état de profonde vulnérabilité. Axer les soins sur le patient, c’est remettre le pouvoir et l’autonomie entre les mains du patient en lui permettant d’obtenir ce dont il a besoin pour se sentir en sécurité et bien entouré. Un milieu médical vraiment sécuritaire doit englober la sécurité culturelle. Offrir un choix d’aliments appropriés sur le plan culturel quand le patient en a besoin permet à l’hôpital d’embrasser le pouvoir de guérison des aliments en tant que partie intégrante du processus de rétablissement.

Offrir des aliments pertinents sur le plan culturel, c’est agir de manière respectueuse, éthique et adaptée à la culture. Cela dénote des valeurs qui font écho aux appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation, auxquels doit tenter de répondre tout établissement de santé. Les politiques et pratiques doivent refléter ces valeurs plutôt que de perpétuer les injustices historiques.

Il n’est pas toujours simple d’innover en matière d’alimentation dans les soins de santé. Pour offrir le programme d’alimentation traditionnelle, le Yukon Hospital a dû apprendre à s’approvisionner en viandes sauvages en se conformant à la réglementation sur les aliments. Il faut pour cela s’engager à voir les patients comme des personnes et transformer les contraintes en occasions à saisir.

Considérer l’alimentation comme une priorité est un marathon plutôt qu’un sprint.

Considérer l’alimentation comme une priorité est un marathon plutôt qu’un sprint. Les aliments et la façon de les acheter, de les préparer et de les servir au patient peuvent faire prendre le virage vers un modèle de soins plus holistique. Il faut toutefois de la passion et beaucoup de travail de plaidoyer pour inclure et défendre ces pratiques uniques – pour briser le moule, s’aligner sur ce qui est important à nos yeux et renforcer les capacités en conséquence. S’il faut parfois sprinter dans les soins aigus, il ne faut pas oublier les gestes importants qui révèlent leurs avantages à long terme.

Dans ce numéro, l’équipe d’innovateurs de Nourrir la santé utilise l’alimentation pour connecter les divers éléments de l’expérience du patient afin d’améliorer sa situation, en aval et en amont. Laura Tkach, Carlota Basualdo et Danielle Barriault expliquent comment Alberta Health Services trouve des moyens stratégiques de faire participer directement le patient à l’élaboration conjointe de diètes et de menus nutritifs et savoureux. En Ontario, Louise Quenneville parle du pouvoir thérapeutique des jardins d’hôpital sur le patient, en favorisant son bien-être affectif, physique et psychologique. Josée Lavoie innove au Québec avec un nouveau modèle de service à la chambre qui permet au patient de mieux choisir le moment où il mange. Enfin, Stephanie Cook de la Saskatchewan veut s’attaquer à la mauvaise réputation de la nourriture d’hôpital – elle veut en parler autrement et insiste sur les avantages de servir au patient des aliments meilleurs, plus respectueux et plus réconfortants.

L’objectif ultime des établissements de santé est de garder le patient loin de l’hôpital, en santé chez lui. En décidant d’offrir des modèles d’alimentation plus sains et des choix alimentaires plus pertinents sur le plan culturel, nous pouvons aider les patients à se rétablir plus vite et limiter les réadmissions à l’hôpital – en plus de créer plus de santé et plus de prospérité dans la population en général.

Laisser le patient nous guider : pour nourrir la réflexion!

Carlota Basualdo, Laura Tkach et Danielle Barriault travaillent chez Alberta Health Services (AHS), le premier et le plus vaste système de santé provincial pleinement intégré au Canada, qui offre des services de santé à plus de quatre millions de personnes en Alberta, et à certains résidents de la Saskatchewan, de la C.-B. et des Territoires du Nord-Ouest. Elles « améliorent l’expérience repas du patient » pour créer un environnement où « la nourriture et les repas sont importants » (Meals Matter), et où le plaisir de manger est valorisé à la fois par les patients et les équipes de santé en tant qu’élément essentiel du rétablissement.

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On ne s’attend pas toujours à vivre une expérience culinaire agréable à l’hôpital, mais l’équipe des services de nutrition et d’alimentation (SNA) d’Alberta Health Services veut changer cette perception! Offrant des services alimentaires sur 107 sites, SNA veut mettre le patient et sa famille au cœur de tout son travail. « En nous alignant sur la stratégie du patient d’abord de l’organisation, nous pouvons exercer un impact plus solide sur l’évolution de la culture et la création du changement », explique Laura Tkach, directrice des opérations, services de nutrition, d’alimentation, de buanderie et d’environnement. Par le dialogue continu, la participation des équipes de soins de santé et l’écoute des patients, AHS valorise la période des repas et l’apport optimal d’aliments et de boissons en vue du rétablissement et de la guérison.

Un élément central de la stratégie du patient d’abord (Patient First Strategy) est de croire activement à la participation. Les patients et leur famille ont dit qu’ils veulent être respectés et entendus, participer à leurs soins et réduire la confusion. SNA a trouvé plusieurs façons de le faire.

SNA respecte les patients en leur donnant le choix et en offrant des aliments adaptés à divers besoins – diète végétarienne, sans gluten, kascher et halal. Le service de soins de longue durée offre un choix de repas dans un environnement de type salle à manger. Dans les soins aigus, le service est encore sur plateau, mais les patients choisissent leurs repas sur un menu et le menu parlé est de plus en plus utilisé dans le but de faciliter les choses pour les patients.

Les patients ont divers moyens de se faire entendre et de participer. « Il nous faut des processus pour vraiment comprendre si nous répondons aux besoins des patients et des résidents afin qu’ils voient le repas comme un moment agréable. Pour cela, il y a des réunions du conseil des résidents, des sondages et des rondes à l’heure des repas », déclare Heather Truber, directrice générale des opérations provinciales. Les commentaires des patients font ressortir les aliments favoris et ceux qui sont moins populaires, ce qui facilite la planification des menus. Il y a aussi des séances de participation avec des groupes spécialisés tels que les conseils consultatifs pour l’enfance et la jeunesse afin de mieux concevoir les menus en pédiatrie. Il n’est pas toujours facile de concilier la saine alimentation et les préférences des jeunes – céréales sucrées et hot dogs. Il est donc important de savoir ce que veulent les parents et les enfants. Il est aussi prévu de consulter des conseillers qui représentent les patients pour comprendre ce qui importe au-delà des services alimentaires et de l’environnement – des aliments produits localement de manière durable, par exemple. 

Pour réduire la confusion, les patients reçoivent de l’information sur leur diète et sur le service des repas, et ils savent qui contacter s’ils ont des questions. Des tableaux blancs à côté du lit des patients facilitent la communication entre les patients et l’équipe. On y trouve notamment de l’information sur l’heure des repas, les besoins diététiques particuliers et l’aide requise aux repas.

« Patrick, qui s’occupait des repas, s’est démené pour faire plaisir à ma mère lors de son séjour au 3F3 à l’UAH. Il prenait juste un peu plus de temps pour sourire à maman et jaser avec elle. C’est par de petits gestes comme ceux-là que le personnel insuffle de la chaleur au milieu stérile de l’hôpital et nous aide à passer au travers d’un moment stressant ».

Plusieurs facteurs influent sur le plaisir, le désir et la capacité de manger. Tout ce qui nuit aux repas réduit l’apport alimentaire des patients et augmente les risques de malnutrition, ce qui affecte la durée du rétablissement et la capacité des patients de s’adonner aux activités qui leur plaisaient avant le séjour à l’hôpital. Tkach ajoute : « La vision de Meals Matter ne se limite pas à offrir des aliments savoureux et nutritifs que les patients ont du plaisir à manger. Un autre élément essentiel est que l’environnement des repas et le soutien de l’équipe de soins soient axés sur le patient afin qu’il s’alimente et s’hydrate de manière adéquate pour améliorer son état nutritionnel et favoriser son rétablissement ». Le but est d’obtenir des commentaires comme celui de la fille d’une patiente à l’Hôpital de l’Université de l’Alberta : « Patrick, qui s’occupait des repas, s’est démené pour faire plaisir à ma mère lors de son séjour au 3F3 à l’UAH. Il prenait juste un peu plus de temps pour sourire à maman et jaser avec elle. C’est par de petits gestes comme ceux-là que le personnel insuffle de la chaleur au milieu stérile de l’hôpital et nous aide à passer au travers d’un moment stressant ».

Le jardin thérapeutique de l’HGM est devenu un modèle de guérison naturelle

Par Louise Quenneville 

Louise Quenneville est gestionnaire de projet à l’Hôpital Glengarry Memorial (HGM). Grâce à l’appui de la haute direction et du conseil d’administration de l’hôpital, et l’étroite collaboration de la gestionnaire en diététique et de l’équipe de réhabilitation de l’ACV, le jardin de l’HGM a connu un essor spectaculaire dans les cinq dernières années. Le but du travail de Louise en tant qu’innovatrice de Nourrir la santé est d’ajouter une bonne portion d’aliments frais du jardin dans le plateau de chaque patient.

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Quiconque connaît le pouvoir énergisant d’un jardin – l’odeur calmante de la lavande, le plaisir de croquer dans une tomate bien mûre et juteuse – peut imaginer à quel point l’effet serait encore plus profond pour qui souffre d’une maladie ou d’un traumatisme. Depuis 2011, l’Hôpital Glengarry Memorial (HGM) d’Alexandrie, en Ontario, offre justement cet effet restaurateur de la nature.

La première demande de subvention de HGM démontrait déjà tout le potentiel du jardin : « Étirez-vous, cultivez vos aliments, remontez-vous le moral ». Le projet de jardin visait à élargir notre expérience de réhabilitation des patients ayant subi un AVC, dans un cadre naturel à l’extérieur. Pour les patients qui se remettent d’un AVC, on sait qu’il est crucial de s’étirer les membres. Les activités de jardinage pendant l’été sont une autre option d’exercice quotidien, qui contribuent à améliorer la condition physique, la coordination, la motricité fine, la perception spatiale, la mémoire et bien plus encore. Cela procure aux patients un sentiment d’autonomie, la motivation de retrouver une activité qu’ils pouvaient faire avant l’AVC – c’est aussi parfois la découverte d’un nouveau loisir!

Il est complexe de mesurer les avantages du temps passé à jardiner sur le plan des résultats cliniques positifs ou de la durée du séjour à l’hôpital. Le diagnostic de chaque patient et les comorbidités possibles ajoutent à la complexité de l’exercice. On peut toutefois affirmer que le jardin ajoute de la qualité au séjour du patient à l’hôpital et qu’il leur remonte indéniablement le moral. Voici ce qu’en disent certains de nos patients en réhabilitation après un AVC. Jack, un homme de 60 ans : « Je suis ici depuis quatre mois et ça fait du bien de sortir de l’hôpital et de ma chambre, de voir pousser tout ça. Dans le jardin ici, il y a toutes sortes d’odeurs, c’est fantastique! » Michel, un patient de 75 ans : « Nous avons un jardin chez nous et j’ai l’habitude d’aller y faire un tour soir et matin. Avec le jardin, j’ai l’impression d’être à la maison. » Un patient de 70 ans : « J’adore travailler dans le jardin, j’adore ça! C’est une idée merveilleuse que les patients passent du temps ici. »

Les patients cultivent eux-mêmes des aliments. Pendant qu’ils jardinent, ils peuvent manger ce qui pousse. Selon l’abondance de la récolte, les produits ont parfois suffi à approvisionner le buffet à salades de l’hôpital et l’assiette des patients.

Les deux dernières années marquent un jalon pour le jardin en raison de notre association avec des collèges et universités. Ces partenariats ont permis d’obtenir des fonds pour agrandir le jardin et de verser un salaire à des étudiants pour la planification, la plantation et la récolte. Dernièrement, nous avons noté une augmentation importante du rendement du jardin grâce au partenariat avec un collège d’agriculture, dont un étudiant a supervisé la planification et la rotation des cultures du jardin.

La recette du succès d’un jardin d’hôpital repose sur une multitude de facteurs et de défis à relever. Le problème principal est évidemment la difficulté pour l’établissement de couvrir les coûts initiaux de la mise sur pied du jardin. Aujourd’hui, la création d’un jardin est plus durable et plus viable : on connaît davantage l’importance de l’alimentation dans les soins de santé, la recherche et les partenariats appuient ce genre de projet et il existe diverses avenues de financement.
 

Pour réussir à mettre sur pied un jardin d’hôpital, il faut d’abord :

  • Dresser un plan de cinq ans pour le jardin
    Commencez petit et grandissez peu à peu (nous avions au départ cinq platebandes surélevées)

  • Obtenir le soutien clé du conseil et de la haute direction de l’hôpitalPréparez un plan que vous pourrez leur présenter pour le jardin…

  • Identifier les diverses sources et possibilités de financement
    Il y en a plusieurs – subventions de ministères provinciaux et projets de recherche des universités, par exemple. Vous pouvez aussi contacter des organismes du secteur agroalimentaire pour obtenir des fonds, de l’orientation et de l’aide.

Recommandations tirées de l’expérience:

  • Collaborez avec des universités et des collèges agricoles. 
    Il y a parfois des fonds pour agrandir le jardin et couvrir le salaire d’étudiants. Embauchez un étudiant en agriculture ou contactez le collège pour voir si votre jardin peut faire partie de l’expérience des étudiants en coopérative.
  • Notez tout ce qui concerne la plantation, la rotation des cultures et les leçons apprises.
    Date de création du jardin, ravageurs et mesures pour les combattre, rendement du jardin, légumes ayant donné les meilleurs résultats et pourquoi, température au cours de la saison, etc. C’est tout à fait le genre d’expertise qu’un étudiant en agriculture pourrait offrir au projet.
  • Faites des suggestions pour améliorer le jardin l’année suivante.
  • Planifiez le jardin de l’année suivante dès l’automne ou le début de l’hiver.
  • Incitez les familles à participer au jardin avec les patients et mobilisez le personnel autour de diverses activités – quelques idées : Journée porte ouverte, jour de marché ou atelier sur l’ail
  • Joignez-vous à des organismes ayant des objectifs communs.
    Ces organismes sont un mécanisme de soutien extraordinaire – les idées surgissent au fil des discussions et du partage des expériences.
  • Visez la pérennité du jardin et si vous réussissez, racontez votre histoire!