Au-delà du local

Par Anne Gignac, Claire Potvin, Josée Lavoie, Annie Marquez et Carole St-Pierre

Les quatre premiers auteures sont les Innovateurs au Québec, représentant les quatres centres de santé décrit ci-bas. Carole St-Pierre est conseillère pour Nourrir la santé.

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Qui dit bien manger, dit avant tout goût et valeur nutritive des aliments. Mais depuis quelques années, la notion de bien manger s’est élargie pour intégrer un volet environnemental « pour le bien de la planète ».  L’alimentation durable tient compte des aspects sociaux et environnementaux de l'aliment tout en restant viable économiquement et bon pour la santé. Des choix durables génèrent des impacts positifs sur plusieurs points dont l’environnement en redonnant aux sols et en favorisant la santé des écosystèmes, ainsi que sur la société en lui fournissant des aliments sains et en favorisant la santé des communautés en plus d’être économiquement viable.

Le changement dans nos habitudes alimentaires est essentiel pour assurer le bien-être des générations futures car si tous les habitants de la terre vivaient comme les canadiens actuellement, 4,7 planètes comme la terre seraient nécessaires pour soutenir la consommation mondiale. Toute bonne chose a un début et cela commence par nous-mêmes. Voici quelques astuces à prioriser pour commencer à contribuer au développement durable de nos habitudes de vie et ainsi participer à un nouveau système alimentaire  :

1.   Manger à notre faim pour réduire la surconsommation (petite portion) et le gaspillage ;

a.   La consommation d’aliments au-delà de nos besoins utilisent un excès de ressources énergétique (pétrole) et terrestre (eau, terre) contribuant à la pollution et la surutilisation de ces ressources

b.   Lorsqu’un aliment est cultivé, transformé, préparé pour être consommé, servi, non consommé et jeté l’énergie utilisée à chaque étape du cycle de vie est gaspillée.

2.   Manger davantage de produits végétaux et mieux choisir les produits animaux  :

a.   D’après une étude de Sprigman et al, (2016), en 2050 il y aurait 9,7 milliards d’humains  : si tous étaient végétariens, il y aurait une diminution des coûts de santé et des coûts des impacts environnementaux équivalent à une économie de 1 880 milliards $/an. Avec un régime équilibré qui consommerait moins de viande, les économies seraient tout de même de 1 227 milliards $/an.

b.   La production de produits végétaux consomme moins d’eau, utilise moins de terre et moins d’énergie pour chaque quantité de protéines produite.

c.   Choisir des viandes d’élevage qui favorise le bien-être animal permet souvent d’encourager la production à petite échelle et locale.

3.   Connaître la provenance et les méthodes de culture des aliments ;

a.   Se renseigner permet de se conscientiser et de créer une valeur sur cet aspect auprès des fournisseurs et producteurs.

b.   Des choix durables et réfléchis peuvent alors être faits

4.   Choisir des poissons provenant de pêcherie responsable, éviter les poissons victimes de la surpêche (voir seachoice.org).

5.   Consommer des aliments biologiques ou provenant de l’agriculture responsable (paniers biologiques ASC, petit producteur local) ;

a.   Un produit certifié biologique se distingue d'un produit courant par ses techniques de production, plus respectueuses de l'environnement et de la santé humaine. Par exemple, l'utilisation d'intrants de synthèse (pesticides et fertilisants) ou de semences génétiquement modifiées est interdite.

6.   Diminuer les emballages (acheter en épicerie zéro déchets, en formats vrac) ;

a.   Les emballages sont un déchet  : donc automatiquement jeté, recyclé ou composté. Chaque étape de son cycle de vie est donc une perte de ressources.

7.   Privilégier des aliments produits localement pour réduire le transport qui pollue énormément

a.   Les produits régionaux de saison requièrent moins d’énergie pour être produit puisqu’ils poussent souvent naturellement dans le milieu et parce qu’ils parcourent beaucoup moins de kilomètre avant d’être consommé.

8.   Se questionner sur les coûts réels des aliments pour payer le juste prix

a.   Évaluer le goût, l’innocuité, la valeur nutritive, les risques sociaux, les risques environnementaux en lien avec la main d’œuvre, les équipements de production et la gestion des matières résiduelles.

 

Les innovateurs de Nourrir la santé participent déjà à créer ce nouveau système alimentaire  :

  • Le CIUSSS Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal au Québec participe en augmentant la part de produits végétaux à son menu, en choisissant des espèces de poissons qui ne sont pas menacés, en considérant la provenance lors du choix des ingrédients utilisés, en ajustant les choix présents dans les plateaux des résidents pour offrir seulement ce qui sera consommé, en bonne quantité et qualité.
  • Le CHU Sainte Justine est passé en mode service à la chambre ce qui fait qu’ils ontréduit grandement le gaspillage des retours de plateaux et de la production des repas patients car tout est produit à la portion.  Auparavant, l’hôpital jetait 25% des plateaux (qui étaient intouchés) et actuellement seulement6.1% du contenu total du plateau est jeté. Une nette régression…
  • Depuis plusieurs années le CIUSSS du Saguenay Lac-Saint-Jean est en partenariat avec une entreprise régionale pour la transformation de ses légumes. Par cette mesure, elle encourage ainsi les produits locaux et limite ses impacts environnementaux par une diminution du transport.
  • Le CHU de Québec-Université Laval (CHU) quant à lui a mis en place plusieurs stratégies afin de répondre aux orientations de développement durable en plus de répondre au cadre de référence du ministère de la santé, qui exige lui aussi l’intégration des principes du développement durable à l’ensemble des activités des services alimentaires. Par exemple, par une bonne planification et l’informatisation des plans de travail en production, le CHU permet de réduire à la source le gaspillage. Toutefois, il arrive que des surplus soient générés et ceux-ci sont offerts gratuitement à un organisme communautaire de la région.  Aussi, un travail a été amorcé en approvisionnement, notamment en introduisant certaines exigences quant à la qualité et la provenance des aliments. À titre d’exemple, le CHU s’approvisionne en petits fruits disponibles dans la région, grâce à un partenariat avec l'association de producteurs de la rive-sud de Québec. Cette entente permet au CHU de recevoir en saison, plus de 660 kg de framboises, 420 kg de bleuet et 245 kg fraise en saison.
  • Finalement, le CHU met à la disposition de son personnel, des paniers de légumes biologiques en saison estivale. De juillet à octobre, des fermes livrent une fois par semaine plus de 100 paniers de légumes variés aux différents points de chute du CHU. En achetant des produits biologiques locaux, le personnel du CHU favorise le développement de l’agriculture biologique d’ici, la création d’emplois et la sauvegarde de l’environnement. Un choix qui revêt toute son importance!

Notre terre et notre mer nourricières ne répondent plus à la demande. À nous de bien manger pour continuer d’en profiter! L’achat local c’est bon mais imaginez ce que serait demain si, en plus, nous nous soucionsde la santé de notre producteur agricole en lui demandant d’utiliser des produits sanitaires à faibles impacts pour sa propre santé et celle de ses clients et pour la qualité des sols et de l’eau que nous consommons.