Nourrir la santé – Bulletin de Mars 2018 : Ce qu’offre réellement l’alimentation dans les soins de santé

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Bulletin de mars

Le rendement obtenu grâce à des dépenses plus intelligentes en matière d’alimentation dans les soins de santé
par Dr Howard Abrams, directeur, Openlab et Nourrir la santé : L’avenir de l’alimentation dans les soins de santé

Infographie Nourrir la santé : Les possibilités offertes par l’alimentation dans les soins de santé
par Hayley Lapalme, Nourrir la santé

Acheter de la viande élevée sans antibiotiques : si A&W peut le faire, pourquoi pas aussi les hôpitaux canadiens?
par Jennifer Reynolds, Food Secure Canada, et Stacia Clinton, Health Care Without Harm

Investir sur le plan local : quand des politiques de soutien appuient les gestes posés sur le terrain
Avec Marianne Katusin, Halton Healthcare & Donna Koenig, Interior Health

Investir sur le plan local : quand des politiques de soutien appuient les gestes posés sur le terrain
par Beth Hunter, Nourrir la santé

Le rendement obtenu grâce à des dépenses plus intelligentes en matière d’alimentation dans les soins de santé

par Dr Howard Abrams, directeur, Openlab

Dr Abrams est directeur d’OpenLab, un laboratoire d’innovation et de conception de services établi au Toronto General Hospital, qui fait partie du University Health Network (UHN). Il s’agit d’un lieu transdisciplinaire où des patient.es, des fournisseur.ses de soins, des concepteur.trices, des ingénieur.es, des scientifiques sociaux et des clinicien.nes se réunissent pour trouver des moyens créatifs de transformer la prestation et la réception des services de santé. Dr Abrams est aussi consultant en médecine interne au UHN, au Sinaï Health System et au Women's College Hospital. Lorsqu’il n’est pas à l’hôpital, il aime bien pratiquer divers sports à l’extérieur.


André Picard a récemment mentionné dans un article paru dans le Globe and Mail que nous devrions dépenser moins en soins de santé si nous voulons un pays en meilleure santé. Cela peut sembler illogique, mais le paysage est en train de changer. Les patients ne sortent pas de nulle part. Ils viennent d’un environnement communautaire empreint de facteurs qui ont une incidence sur leur santé, leur situation économique influant par exemple sur les aliments auxquels ils ont accès et qu’ils peuvent manger. On demande de plus en plus aux établissements de soins de santé de concentrer leurs efforts (et les deniers publics) en amont, vers la santé de la population. Bien sûr, ce n’est rien de nouveau, mais on commence enfin à le prendre au sérieux.

Les établissements de la santé sont sur le qui-vive alors qu’ils tentent de trouver comment faire face au tsunami gris, c’est-à-dire la vague de Canadiens âgés de 65 ans et plus qui exercent une grande pression sur les ressources du milieu. La demande est grande pour des soins de santé plus efficaces, qu’il s’agisse entre autres de réduire les temps d’attente ou d’offrir plus de services à domicile. Cette approche de renforcement des capacités a toutefois certaines limites. Il faut donc essayer de réduire la demande au lieu de simplement améliorer l’efficacité des soins de santé offerts?

C’est là que l’alimentation et la santé publique se rejoignent de manière importante. On peut constater en regardant les données que l’insécurité alimentaire et des logements en mauvais état représentent deux grands facteurs de risque en ce qui concerne les maladies chroniques et les problèmes de santé.

Si on affirme qu’une saine alimentation est à la base d’une vie saine, on peut donc se demander où les médecins et autres fournisseurs de soins de service peuvent renforcer ce message au sein du système de la santé?

La recherche reposant sur des preuves au sujet d’une bonne nutrition abonde. Des études sur les régimes de l’Église Adventiste du Septième Jour et des pays méditerranéens montrent qu’un régime à base de plantes comprenant moins de viande et de poisson diminue le risque de maladies cardiovasculaires et permet de vivre plus longtemps et en santé. Cependant, faire la promotion d’une saine alimentation demeure une tâche ardue. On trouve facilement de la malbouffe et des aliments hautement transformés pratiquement partout, des supermarchés aux cafétérias des hôpitaux. Ces aliments sont délibérément conçus pour faire croire à notre corps qu’il consomme un aliment riche en nutriments. Si on affirme qu’une saine alimentation est à la base d’une vie saine, on peut donc se demander où les médecins et autres fournisseurs de soins de service peuvent renforcer ce message au sein du système de la santé? Les établissements de soins de santé peuvent-ils être crédibles en se faisant les défenseurs d’une saine alimentation tout en servant des frites et des boissons sucrées dans leurs cafétérias?

Les travaux visant à accorder à l’alimentation une place plus centrale dans les soins de santé sont confrontés au principe de gestion qui domine dans ce domaine : « on ne peut pas gérer ce que l’on ne peut pas mesurer ». Il est difficile de mesurer les avantages d’une bonne alimentation, ce qui veut dire qu’il est difficile de convaincre les établissements d’investir dans cette direction. En effet, comment mesure-t-on les avantages précis d’une somme d’argent exacte dépensée pour fournir une alimentation particulière durant le séjour d’un patient ou d’une patiente? Ou durant une année? Ou durant toute une vie? Les établissements de soins de santé ont des budgets restreints et doivent fournir des services pour répondre à des besoins immédiats. Il est donc difficile pour eux de justifier des dépenses pour réaliser des économies futures potentielles.

Quelles sont les options perdues en n’investissant pas dans une alimentation saine et durable comme partie intégrante du bien-être et de la santé des patient.es, ou pour se diriger une justice distributive et une sécurité alimentaire?

Henry Mintzberg est professeur de gestion à l’Université McGill. Il met de l’avant un autre point de vue, plaidant que juste parce que certaines choses sont difficiles à mesurer, cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas de valeur. Cela signifie simplement qu’elles doivent être gérées autrement. Au lieu de ne voir que les coûts financiers, il faut aussi tenir compte des coûts d’option. Quelles sont les options perdues en n’investissant pas dans une alimentation saine et durable comme partie intégrante du bien-être et de la santé des patient.es, ou pour se diriger une justice distributive et une sécurité alimentaire?

En réfléchissant aux possibilités offertes par l’alimentation, les fournisseur.ses de soins de santé peuvent acquérir une perspective plus systémique et comprendre les liens qui existent entre la santé des patient.es, de la population et de la planète. On s’inquiète de plus en plus de la manière dont les changements climatiques pourraient diminuer l’accès équitable à des aliments sains et sans danger, et des effets en aval que cela pourrait avoir sur le système de la santé. La promotion de choix sains en matière d’alimentation par le milieu de la santé pourrait coïncider avec un changement environnemental systémique relativement à des systèmes alimentaires justes et durables.

Encourager des choix alimentaires sains et réfléchis peut s’avérer une intervention peu coûteuse qui permettra d’établir de tels liens pour un changement systémique à long terme. On observe déjà des projets novateurs au sein du système. Nourrir la santé : L’avenir de l’alimentation dans les soins de santé est un projet national de changement systémique dirigé par La fondation McConnell. Il a pour but de faciliter les possibilités offertes par l’alimentation dans les établissements de soins de santé du pays. Openlab est un laboratoire d’innovation en santé hébergé par le University Health Network (UHN). Il collabore avec le Toronto Rehabilitation Institute du Lyndhurst Centre sur un projet qui permettra de créer des fermes urbaines dans des environnements hospitaliers.

Nous devons tous réfléchir à la façon dont nous pouvons jouer un rôle de soutien dans un écosystème alimentaire sain. Si le but ultime est une population prospère et en santé, comment pouvons-nous amener le système officiel de la santé à appuyer un meilleur système alimentaire?