L’alimentation traditionnelle comme médicament au Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre

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APERÇU :

Le Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre (SLMHC) est un petit morceau d’avenir dans le présent, une démonstration de ce qui est possible lorsqu’un hôpital adopte une approche intégrée en matière de soins culturellement appropriés. Son modèle de soins minoyawin offre aux patientes et patients un environnement habilitant et sans danger sur le plan culturel au sein duquel ils peuvent guérir.

Un élément crucial du modèle minoyawin est le programme Miichim, ou les aliments traditionnels servis aux patientes et patients depuis plus de 10 ans. La défense du droit des Autochtones entourant l’accès à la santé, qui est enracinée dans l’histoire axée sur les lieux du SLMHC, a permis à l’hôpital d’acquérir un statut juridique particulier qui lui permet de servir de la viande et du gibier qui n’a pas été inspecté. La présente étude de pratique se penche sur cette histoire, ainsi que sur l’approche intégrée et les pratiques à la base de son succès.

LE PROBLÈME : Le Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre est un hôpital dans le nord-ouest de l’Ontario qui dessert une grande population autochtone issue de 28 Premières Nations. Celui-ci ne répondait pas adéquatement aux besoins des patientes et patients anishinaabe en leur servant des aliments qui n’étaient pas, pour eux, reconnaissables ou agréables au goût.

L’INTERVENTION : Après de longs travaux de sensibilisation sur les inégalités en matière de santé pour les Autochtones, le SLMHC offre désormais des soins culturellement réactifs et appropriés dans le cadre d’une programmation traditionnelle détaillée. Celle-ci inclut le programme Miichim, dans le cadre duquel l’hôpital s’approvisionne en aliments traditionnels pour les servir aux patientes et patients en vue d’améliorer leurs soins et leur guérison.

LES RÉSULTATS : Le SLMHC sert des repas traditionnels fraîchement préparés deux fois par semaine dans le but d’offrir à la fois nourriture et réconfort. Il a attiré l’attention partout au pays pour ses pratiques de pointe en ce qui concerne l’acquisition d’aliments traditionnels offerts en don et l’élaboration de recettes traditionnelles ancrées dans la région et la culture.

LES RÉPERCUSSIONS SYSTÉMIQUES : Le SLMHC incarne tout ce qui est possible lorsque les hôpitaux placent la culture au cœur de leurs soins. Il montre continuellement comment exploiter des partenariats communautaires pour respecter et apprécier la culture autochtone locale, traçant une voie vers la guérison et la réconciliation.


[Le problème] Confronter le colonialisme en ce qui concerne la sécurité alimentaire et l’accès à la nourriture dans un environnement de soins de santé institutionnel

Les conséquences d’un long passé de colonisation et de discrimination systémique continuent de se faire sentir dans le milieu de la santé canadien et viennent renforcer les inégalités persistantes entre les communautés autochtones et non autochtones.

Les politiques et paradigmes coloniaux slon lesquels les aliments autochtones « posent un risque » dans le milieu de la santé illustrent le racisme et les préjugés inconscients qui touchent les peuples autochtones . Ces préjugés donnent lieu à des écarts considérables en matière de santé, par exemple, une espérance de vie réduite de 10 ans par rapport aux Canadiennes et Canadiens non autochtones. En effet, les Premières Nations, les Métis et les Inuits du pays sont aux prises avec une insécurité alimentaire disproportionnée, des taux élevés de maladies liées à l’alimentation, comme le diabète, et un accès inadéquat à de l’eau potable.

Dans son rapport final, la Commission de vérité et réconciliation reconnaît et affirme que nier à quelqu’un sa nourriture équivaut à lui nier sa culture. Servir des aliments traditionnels dans le milieu de la santé peut bâtir de nouvelles relations et de la confiance entre les patientes et patients autochtones et les établissements occidentaux, traçant ainsi la voie vers une réconciliation. Les aliments traditionnels provenant de la terre donnent lieu à une alimentation saine à base de plantes et de protéines sauvages qui sont récoltées de façon durable et chassées de manière traditionnelle. Les hôpitaux doivent apprendre à intégrer et développer respectueusement le savoir ancestral sur la guérison holistique et les propriétés médicinales des aliments traditionnels.

Le Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre est un hôpital dans le nord-ouest de l’Ontario qui se concentre sur le modèle de soins minoyawin pour offrir aux patientes et patients un environnement habilitant et sans danger sur le plan culturel au sein duquel ils pourront guérir. Minoyawin est un terme anishinaabe qui renvoie à un « état de complétude en ce qui concerne les composantes spirituelle, mentale, émotive et physique d’une personne ». Le SLMHC considère comme crucial de servir des aliments traditionnels dans le cadre de son programme Miichim pour proposer une offre de soins intégrés. Renouer avec les aliments traditionnels est un moyen puissant pour les peuples autochtones de prendre le chemin du retour vers la santé.

Miichim fait partie de la vie quotidienne de nombreux peuples anishinaabe et constitue un lien important entre la santé, la culture et l’identité. Les aliments traditionnels peuvent favoriser la guérison en créant un environnement familier et confortable pour les patientes et patients durant leur séjour à l’hôpital ou au centre de soins de longue durée.
— Kathy Loon, directrice des Programmes traditionnels, SLMHC

[L’intervention] Servir des repas traditionnels et culturellement pertinents aux patientes et patients dans le cadre de leurs soins et de leur guérison

Source de l’image : Nourrir la santé

Source de l’image : Nourrir la santé

Servir des aliments traditionnels est une composante cruciale de l’approche du SLMHC en matière de compétence interculturelle dans le domaine des soins de santé. Ce dernier peut servir de modèle pour les autres établissements de santé du Canada qui souhaitent mettre en œuvre une programmation similaire.

Le Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre dessert 28 Premières Nations dans le nord-ouest de l’Ontario, c’est-à-dire la province canadienne qui compte la plus grande population autochtone. Bon nombre des personnes qu’il dessert habitent dans des communautés éloignées et doivent prendre l’avion pour recevoir des services médicaux. Lorsqu’elles arrivent dans un environnement inconnu pour un traitement, elles ont accès à des aliments culturels qu’elles reconnaissent et qui les réconfortent. En effet, le SLMHC sert deux fois par semaine des repas traditionnels fraîchement préparés dans le cadre de son programme Miichim.

Un historique récent de défense des droits entourant l’accès des Autochtones à des soins de santé à Sioux Lookout a mené à l’élaboration d’une entente appelée la Sioux Lookout Four Party Hospital Services Agreement (1997). Celle-ci a permis aux Premières Nations et à tous les paliers du gouvernement (municipal, provincial et fédéral) de bâtir ensemble un établissement qui adopte à la fois des approches occidentales et autochtones en matière de santé et de guérison. Cette façon de faire représente un changement radical par rapport aux politiques coloniales et pointe vers un nouveau modèle de collaboration et de réconciliation. 

Administrer des soins avec deux regards : la guérison grâce à l’esprit de la nourriture

Source de l’image : SLMHC (revue par Nourrir la santé)

Source de l’image : SLMHC (revue par Nourrir la santé)

Le programme Miichim incarne la sagesse des Premières Nations selon laquelle « l’alimentation est guérisseuse ». Dans le modèle de soins du SLMHC, « avoir une meilleure conscience intérieure de son corps, son âme et son esprit mène à l’intégration et l’équilibre ». Les pratiques de guérison traditionnelles axées sur les enseignements de la roue médicinale, y compris l’accès à des aliments traditionnels, du temps sur les terres et des cérémonies, viennent compléter la médecine occidentale dans le but de guérir la personne au complet ainsi que sa communauté. Par exemple, un patient de soins à long terme qui arrive en avion d’une communauté nordique pour recevoir un traitement est loin de sa famille et ne peut pas retourner dans ses terres. Manger un repas traditionnel lui rappelle une époque où il était en bonne santé et capable de s’adonner à la récolte et la chasse. Kathy Loon, la directrice des Programmes traditionnels, est témoin tous les jours de la façon dont les patientes et patients sont revigorés lorsqu’ils mangent un repas traditionnel et à quel point cela leur procure une satisfaction physique, mentale, émotive et spirituelle. La culture fait partie de la guérison.

Le SMHLC intègre la philosophie des Premières Nations en matière de santé et de guérison à la médecine biomédicale occidentale. C’est un exemple de l’expression Voir avec deux regards, qui renvoie à un principe de l’Aîné micmac Albert Marshall pour réconcilier les forces de la sagesse autochtone au savoir occidental. (Vous pourrez en apprendre plus à ce sujet en consultant l’article qui suit, écrit par Albert Marshall).

Lorsque nous donnons du ragoût d’orignal à un patient de soins à long terme, son regard se tourne soudainement vers l’intérieur. Il se souvient d’avoir couru dans la neige en raquette à la poursuite d’un orignal, d’avoir rapporté de la nourriture à sa famille et d’avoir célébré ce repas avec les siens. C’est un Aîné assis sur un lit d’hôpital qui raconte ses histoires de chasse… mais qui revient à son être spirituel premier.
— Kathy Loon, directrice des Programmes traditionnels, SLMHC

[La mise en œuvre] Consultation, communauté, engagement : les clés du succès pour élaborer un programme d’aliments traditionnels

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Lutter contre le racisme grâce à la coopération et à une réglementation exceptionnelle : le chemin jusqu’au modèle de soins minoyawin

Le Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre est un hôpital unique, autant pour l’histoire de sa mise sur pied que les moyens novateurs qu’il utilise aujourd’hui pour fournir des soins culturellement réactifs. La transition vers son mode de fonctionnement actuel est ancrée dans l’histoire du colonialisme et propulsée par une sensibilisation accrue des inégalités en santé qui touchent les Autochtones dans le nord-ouest de l’Ontario, ainsi que par la demande de plus en plus grande de réduire ces inégalités.

La nation Sioux Lookout a eu pendant des décennies un système de santé ségrégé. Un hôpital général financé par le gouvernement provincial desservait des patients non autochtones depuis 1922, tandis qu’un hôpital de « zone » financé par le gouvernement fédéral et créé en 1950 desservait les patientes et patients anishinaabe et des autres Premières Nations. En 1988, cinq hommes de la Première Nation Sandy Lake ont déclenché une grève de la faim pour attirer l’attention sur des années de mauvais soins de santé pour les communautés des Premières Nations. Le climat politique était alors propice au changement.

Il n’y avait aucun doute à cette époque qu’il fallait améliorer la collaboration et les relations entre les Premières Nations et les gouvernements canadiens. C’est pourquoi la Sioux Lookout First Nations Health Authority (SLFNHA) et une unité de négociation de services hospitaliers (la Hospital Services Negotiating Unit) ont été mises sur pied. Celles-ci incluaient des représentantes et des représentants de la nation Nishnawbe Aski (NAN), de la Municipalité de Sioux Lookout, de la Province de l’Ontario et du gouvernement fédéral. Elles ont travaillé ensemble à l’atteinte d’un objectif commun : la Sioux Lookout Four Party Hospital Services Agreement (1997), qui renvoyait à la création d’un nouvel hôpital fusionné et d’une plus grande offre de services.

La négociation était une occasion d’apporter des changements de politique considérables. Un des changements les plus importants concernait la demande d’une exemption par rapport au Règlement de l’Ontario sur les dépôts d’aliments. Cette exemption, désormais inscrite dans le Règlement de l’Ontario 493/17, accordait au SLMHC un statut juridique particulier l’autorisant à se procurer « de la viande de gibier tué à la chasse et provenant d’orignaux, de canards, d’oies, de caribous, de rats musqués, de lapins, de cerfs, de castors, de wapitis et de bœufs musqués » et à la servir aux patientes et patients, ainsi qu’aux personnes visitant ou travaillant au SLMHC. Aucun autre hôpital canadien ne bénéficie de cette exemption et c’est elle qui rend le programme Miichim possible. Les autres hôpitaux doivent donc négocier des conditions pour servir sans danger de la viande, du poisson ou du gibier sauvage avec leur bureau de santé publique ou l’agente ou agent en hygiène de l’environnement de leur région, ce que plusieurs territoires de compétences du pays commencent à faire.

L’exemption réglementaire qui permet au SLMHC de servir des aliments traditionnels dans le cadre du programme Miichim découle d’un long travail de défense des droits et d’élaboration de relations qui se poursuit encore aujourd’hui.

Servir de la « viande qui n’a pas été inspectée » ne veut pas dire qu’il n’y a eu aucune inspection. Au contraire, le SLMHC assure un processus de contrôle de qualité rigoureux pour faire preuve de diligence raisonnable dans le cadre de son approvisionnement en aliments traditionnels. L’hôpital possède une cuisine réservée au programme Miichim qui a son propre réfrigérateur et congélateur pour stocker les aliments et les fournitures. Des efforts constant sont également requis pour nouer des relations avec la communauté locale et se procurer une quantité suffisante de viande sauvage et de gibier remis en don pour répondre aux demandes d’un programme d’alimentation quotidienne.

Le programme Miichim est possible grâce à une exemption juridique, mais il doit son succès à une consultation axée sur les lieux, à un engagement communautaire local, à un contrôle de qualité et à un investissement à l’échelle de l’hôpital. L’approche adoptée par le SLMHC pour mettre le programme sur pied peut servir de modèle pour d’autres hôpitaux, qui en tireront de nombreuses leçons.

 

1. Une consultation axée sur les lieux pour élaborer des recettes traditionnelles avec les Kookums (grands-mères) locales

Servir des aliments autochtones équivaut à reconnaître que les aliments traditionnels sont propres à la région et au territoire. Le SLMHC insiste sur le besoin de solliciter la participation des communautés de Premières Nations d’une région pour leur demander directement : « Quels sont vos aliments traditionnels? » Tous les hôpitaux doivent procéder ainsi pour découvrir les recettes et les aliments locaux, ainsi que la façon traditionnelle de se les procurer et de les préparer.

Élaborer des recettes traditionnelles avec des Kookums (grands‑mères)

Le SLMHC voulait s’assurer que les recettes traditionnelles de son programme Miichim provenaient d’Aînés et d’Aînées locaux, ou étaient inspirées par ces derniers. Il a donc invité des Aînés et des Kookums de communautés nordiques à Sioux Lookout afin d’élaborer les recettes initiales qui guideraient le personnel de cuisine au moment de préparer des repas traditionnels.

Lorsque des établissements de soins de santé canadiens sollicitent la participation de personnes autochtones sur leur territoire, ils doivent payer les consultations et veiller à ce que les contributions des gardiennes et gardiens du savoir soient adéquatement rémunérées. Les recettes sont une forme de savoir culturel et il se peut qu’une cérémonie soit organisée à l’occasion du partage. Cela dépend d’une nation à l’autre.

Normaliser les recettes traditionnelles pour l’hôpital

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Les recettes ont été examinées par le personnel de cuisine et les nutritionnistes de l’hôpital, et ensuite normalisées pour les repas des patientes et des patients. Les personnes qui préparent ces repas à la maison ne mesurent souvent pas les ingrédients. Le processus de normalisation assure une uniformité et permet de faire passer la recette de 5 à 100 portions. Les nutritionnistes ont aussi analysé les valeurs nutritives des repas traditionnels.

Souvent, des recettes sont modifiées pour satisfaire des exigences en matière de santé ou selon la disponibilité des aliments. Par exemple, les peuples anishinaabe mangent aujourd’hui certains aliments, comme le porc salé, à cause des produits qui étaient historiquement à leur disposition sur les réserves. Si la recette d’une Kookum contient du porc salé, il se peut que l’hôpital remplace celui-ci par du porc non salé pour gérer la teneur en sodium des plats et respecter les régimes et restrictions alimentaires de certaines personnes.

Servir des plats anishinaabe contemporains

Au fil du temps, Kathy Loon a voulu étendre le programme Miichim pour servir plus souvent des repas traditionnels. Elle continuait toutefois de faire face à certaines difficultés au moment de s’approvisionner en aliments traditionnels. Elle a donc décidé de faire preuve de créativité pour offrir aux patientes et patients des repas reconnaissables et réconfortants. Au lieu de dépendre en grande partie de recettes traditionnelles réelles, l’hôpital a commencé à adapter des recettes anishinaabe contemporaines populaires, comme la soupe de riz sauvage et les tacos indiens, qui sont faits avec des ingrédients que l’on trouve à l’épicerie.

Actuellement, le menu de l’hôpital inclut trois types d’aliments servis selon un cycle de trois semaines :

  • Traditionnels (p. ex. de l’orignal sauvage)

  • Traditionnels contemporains (p. ex. des ingrédients d’épicerie)

  • Traditionnels d’élevage (p. ex. du bison ou wapiti provenant d’une ferme d’élevage)

L’hôpital s’adapte également aux besoins changeants et aux préférences de ses patientes et patients. Lorsque le programme Miichim a été mis sur pied il y a 15 ans, un patient âgé de 60 ans qui avait grandi en mangeant des aliments traditionnels trouvait du réconfort dans ces derniers. Cependant, une personne qui était alors âgée de 45 ans et qui a 60 ans aujourd’hui pourrait être habituée à des ingrédients plus contemporains.

2. Un engagement communautaire local pour se procurer de la viande sauvage et du gibier offert en don

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Une des grandes difficultés de se procurer de la viande sauvage et du gibier pour le programme Miichim est qu’il est impossible d’en acheter. La viande doit être donnée. Selon les lois de conservation environnementale, il est illégal de payer pour de la viande ou du gibier qui n’a pas été inspecté. Cela a pour but de réduire la chasse à but lucratif. Par conséquent, toute la viande issue de la chasse doit être donnée en cadeau, et ce, partout au pays.

L’hôpital a donc dû demander à des membres de communautés autochtones déjà confrontés à des difficultés financières et à de l’insécurité alimentaire de faire des dons de nourriture. C’est pourquoi il a choisi de bâtir des relations et des partenariats avec des associations et organismes locaux, notamment :

  • Le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (qui fait don de viande sauvage confisquée, comme de l’orignal et du chevreuil)

  • La Sioux Lookout Anglers and Hunters Association

  • Une association de trappeurs locale (pour du castor)

  • Des pêcheries commerciales locales (pour du poisson)

  • Des organisateurs locaux de derby de chasse (les dons annuels combinés de deux derbys, le Sioux Lookout Walleye Weekend Tournament et le Lac Seul Walleye Cup Tournament, représentent environ 500 livres de poisson)

  • Des citoyennes et citoyens de la région, ainsi que des membres des communautés de Premières Nations

Kathy Loon souligne que le succès du programme Miichim dépend des relations sur le terrain et des partenariats avec des membres des communautés locales. Elle pêche et chasse personnellement souvent pour aider à répondre aux demandes du programme.

L’hôpital, le gouvernement, les citoyennes et citoyens locaux et les membres des communautés de Premières Nations sont unis dans cet effort commun pour aider l’hôpital à s’approvisionner en aliments traditionnels, car c’est une cause qui leur tient à cœur.

C’est impossible de servir des aliments traditionnels sans que ce soit profondément collaboratif. Il faut un effort régional et communautaire pour rendre ça possible.
— Kathy Loon, directrice des Programmes traditionnels, SLMHC

3. Un engagement de contrôle de qualité par rapport aux viandes et aux aliments « qui n’ont pas été inspectés »

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Il faut s’engager à respecter toute la réglementation mise en place par le gouvernement et les unités de services de santé. Il faut s’engager envers un contrôle de qualité.
— Kathy Loon, directrice des Programmes traditionnels, SLMHC

Le Règlement de l’Ontario sur les dépôts d’aliments souligne comment se procurer et manipuler des aliments dans un contexte hospitalier. Bien que le SLMHC bénéficie d’une exemption juridique pour servir de la viande ou du gibier « qui n’a pas été inspecté », il doit quand même respecter des normes rigoureuses de qualité et de salubrité des aliments. L’hôpital suit un processus étape par étape strict qui reflète les politiques et la réglementation en vigueur pour surveiller et documenter d’où proviennent les aliments traditionnels et la façon dont ils sont servis.

Lorsqu’ils choisissent un repas traditionnel, tous les patients et patientes du SLMHC doivent signer un formulaire de décharge lié aux aliments non inspectés. Le contenu de celui-ci leur est expliqué par un ou une interprète de l’hôpital dans la langue avec laquelle ils sont le plus à l’aise. En signant le formulaire de décharge, la personne confirme qu’elle est consciente que la viande « n’a pas été inspectée » selon les normes de sécurité alimentaire occidentales.

Voici comment la viande d’orignal offerte en don va du chasseur jusqu’au cabaret de la patiente ou du patient :

  1. Le chasseur : Le chasseur qui donne l’orignal remplit et signe un formulaire de divulgation de viande non inspectée. Ce formulaire inclut des renseignements détaillés visant à garantir que l’original a été chassé correctement. Voici des questions posées :

    • Où et quand l’animal a-t-il été tué, et à quelle heure?

    • Quelle était la température lorsque l’animal a été tué?

    • Combien de temps après qu’il a été tué l’animal a-t-il été débité?

    • À quoi ressemble le foie?

  2. Le boucher : Le boucher coupe et prépare la viande de l’orignal. Il remplit et signe un formulaire semblable, qui inclut les questions suivantes :

    • Depuis combien de temps l’animal était-il mort quand la boucherie a commencé?

    • Avez-vous porté des gants et un chapeau?

    • Où la viande non inspectée a-t-elle été placée et entreposée? Y a-t-il une circulation d’air?

    • Pendant combien de temps la viande non inspectée a-t-elle été dans la glacière?

    • Comment était-elle emballée? Combien de temps a-t-elle été entreposée au congélateur?

  3. L’entreprise de transport : La personne qui transporte l’animal doit répondre à des questions comme celles-ci : Comment l’animal a-t-il été transporté, par avion ou camion? Combien de livres? Quelles parties de l’animal? Combien de temps a duré le voyage?

  4. La cuisine de l’hôpital : Lorsque la « viande qui n’a pas été inspectée » arrive dans la cuisine du programme Miichim, le personnel peut remonter le parcours de l’orignal jusqu’au chasseur et la date à laquelle l’animal a été tué. La personne respecte un ensemble de processus internes pour diviser la viande par repas et la placer dans le « congélateur de la viande qui n’a pas été inspectée ».

  5. L’interprète : Le jour avant qu’un repas traditionnel qui comprend de la viande d’orignal soit servi, l’interprète de l’hôpital découvre ce qui sera au menu. Au moment de servir le repas traditionnel aux patientes et patients, l’interprète leur indiquera ce qui est au menu et leur demandera de signer le formulaire de décharge lié aux aliments non inspectés.

  6. Le patient ou la patiente : Si la personne accepte son repas, elle doit signer le formulaire de décharge pour confirmer qu’elle sait que la viande n’a pas été inspectée. Le formulaire comprend le numéro de chambre de la patiente ou du patient, ainsi que la signature de l’interprète.

Un hôpital qui sert des repas traditionnels doit veiller à ce que les aliments utilisés proviennent de sources sûres et soient préparés adéquatement pour justifier le maintien du programme. Il doit élaborer ses propres processus et suivre ceux-ci rigoureusement pour s’approvisionner auprès de fournisseurs locaux et autochtones s’il ne s’approvisionne pas auprès d’entreprises de distribution.

4. Un investissement à l’échelle de l’hôpital pour bâtir une infrastructure et une culture de guérison holistique

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Fournir des soins culturellement réactifs qui répondent de manière holistique aux besoins des patientes et patients exige un engagement à l’échelle de l’hôpital, de la haute direction au personnel de première ligne. Le programme Miichim est une des cinq composantes intégrées du Traditional Healing, Medicine, Food and Supports Program (THMFS) du SLMHC et cette intégration est indispensable à son succès. Voici l’ensemble des programmes traditionnels :

  • Odabiidamagewin (Gouvernance et leadership)

  • Wiichi’iwewin (Soutien aux patientes et patients, et à la clientèle)

  • Andaaw’iwewin egkwa Mushkiki (Guérison traditionnelle)

  • Miichim (Aliments traditionnels)

  • Bimaadiziwin (Sensibilisation et compétence en matière de culture)

Miichim n’est qu’un des cinq programmes d’un modèle de roue médicinale axée sur les soins holistiques. Il ne peut pas être pris à part, puisque son succès dépend des autres programmes.
— Kathy Loon, directrice des Programmes traditionnels, SLMHC

Le programme Wiichi’iwewin (Soutien aux patientes et patients, et à la clientèle) est indispensable pour Miichim, puisqu’il veille à ce que les interprètes reçoivent une formation pour communiquer les options du menu traditionnel aux patientes et patients. Quatre-vingt-cinq pour cent de ces derniers parlent une des trois principales langues anishinaabe : l’ojibway, le cri et l’oji-cri. De plus, bon nombre de personnes âgées ne comprennent qu’une langue anishinaabe. Au SLMHC, les interprètes sont les personnes qui orientent et défendent les droits des patientes et des patients. Ils ou elles sont disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 pour assurer une interprétation linguistique, mais aussi interculturelle.

Dans le cadre du programme Odabiidamagewin (Gouvernance et leadership), le SLMHC compte sur un conseil d’Aînés et d’Aînées, au lieu d’une structure d’entreprise habituelle, pour éclairer le conseil d’administration. De son côté, le programme Bimaadiziwin (Sensibilisation et compétence en matière de culture) permet à l’hôpital d’offrir des formations culturelles obligatoires à l’ensemble du personnel.

La culture des Premières Nations est même illustrée dans l’architecture de l’hôpital. Le bâtiment physique a été conçu autour de la roue médicinale, la maison des naissances étant orientée vers l’est (représentant la vie) et l’aile des soins palliatifs vers le nord (représentant la mort). L’hôpital compte également une salle de guérison traditionnelle pour les cérémonies nocturnes ou de tambours, la méditation ou la purification par la fumée, une hutte de sudation et un guérisseur traditionnel si la patiente ou le patient souhaite recevoir à la fois des soins autochtones et occidentaux.

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[L’impact]: Un meilleur accès aux aliments traditionnels dans le milieu de la santé pour tracer une voie vers la décolonisation et la réconciliation

Aujourd’hui au Sioux Lookout Meno Ya Win Health Centre, des repas traditionnels frais sont proposés deux fois par semaine aux patientes et patients. Des repas traditionnels faits à l’avance et congelés sont aussi offerts tout au long de la semaine. En 2019-2020, l’hôpital a servi 1 598 repas Miichim, ce qui revient en moyenne à environ 134 repas par mois. 

Le SLMHC partage continuellement les connaissances apprises grâce à sa programmation culturelle avec d’autres établissements de santé du pays. Le court documentaire Miichim raconte l’histoire personnelle de Kathy Loon et l’impact novateur qu’a le SLMHC grâce à son offre de repas traditionnels.

Alors que la sensibilisation s’accroît autour du programme Miichim, Kathy Loon veut s’assurer que celui-ci est compris comme faisant partie du modèle de roue médicinale axée sur des soins holistiques. Elle reconnaît aussi que de nombreux obstacles qui empêchent de servir des aliments traditionnels dans des contextes institutionnels découlent des politiques et que l’exemption juridique qui permet au SLMHC de servir des aliments non inspectés le place dans une position unique. Elle fait actuellement partie du Nourish Indigenous and Allies Advisory Council, issu du projet collaboratif Les habitudes alimentaires autochtones qui étudie les politiques et d’autres voies en matière de santé pour offrir des soins culturellement appropriés et progresser vers une réconciliation grâce à l’alimentation.

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De plus en plus d’hôpitaux canadiens serviront des aliments traditionnels

De plus en plus d’établissements de santé et de territoires de compétence cherchent des moyens d’améliorer l’accès aux aliments traditionnels en contexte hospitalier.

Depuis plus de 20 ans, le Yukon Hospital se procure du gibier sauvage que des chausseurs locaux accrédités et des chasseurs de Premières Nations lui donnent en don pour son programme d’aliments traditionnels. Des chasseurs aux bouchers qui apprêtent la viande pour l’hôpital, toutes les personnes impliquées respectent les protocoles de sécurité alimentaire établis par l’agence d’hygiène de l’environnement.

La Thunder Bay Health Unit a annoncé la modification de sa réglementation en octobre 2019 afin de se concentrer sur des principes de sécurité alimentaire et non des détails réglementaires pour servir du gibier sauvage. L’unité aide les établissements publics à élaborer des plans de sécurité alimentaire propres à leur installation en vue de pouvoir servir des aliments sauvages de manière continue, sans devoir constamment renouveler leur permis.

D’autres projets pilotes et travaux régionaux visant à servir des aliments traditionnels dans les établissements de soins santé sont aussi en cours en Colombie‑Britannique, en Saskatchewan, dans les Territoires-du-Nord-Ouest, en Ontario et au Québec.

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Mes patientes et patients sont heureux, car ils mangent des aliments heureux. J’entends par aliments heureux des plantes et des animaux qui ont été bien traités et cultivés ou élevés naturellement, et qui ont vécu de bonnes vies exempte de violence. Les aliments heureux ont le pouvoir de guérir.
— Kathy Loon, directrice des Programmes traditionnels, SLMHC