Le patient aux commandes de ses repas!

Par Josée Lavoie du CHU Sainte-Justine

Josée Lavoie est diététiste et directrice des services alimentaires au CHU Sainte-Justine à Montréal, au Québec depuis 2009. En 2016, le CHU Ste-Justine a fait un changement majeur grâce à un programme de service aux chambres qui permet aux patients de choisir ce qu’ils veulent manger et quand ils ont faim. L'objectif de Josée en tant qu'innovatrice est d'augmenter la quantité d'aliments locaux du Québec dans les menus et de devenir plus respectueux de l'environnement.

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Projet de modernisation des activités d’alimentation

Le CHU Saint-Justine, l'un des deux hôpitaux pour enfants du Québec, a entrepris une importante modernisation des services alimentaires en 2011. Le service désirait réviser ses pratiques car le taux de satisfaction des repas était insatisfaisant (soit 60%), les plateaux revenait intouchés (soit 25%) ce qui engendrait des perrtes alimentaires de plus de 89 000$.   Ce projet en était donc un de réingénierie et avait comme vision:

  • Favoriser l’humanisation de nos services  

  • Augmenter le taux de satisfaction

  • Faciliter la réalimentation des clientèles

  • Assurer une efficience optimale (humaine, ergonomique et financière)

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D’un mode de service traditionnel en liaison chaude à des heures fixes, nous sommes passés à la préparation de mets juste-à-temps ainsi qu’à la livraison des plateaux à l’heure convenue par les patients. Ces derniers retrouvent le contrôle de leur alimentation en choisissant ce qu’ils désirent manger au  moment qui leur conviennent. Il est à noter que ce changement de culture ne s’est pas fait sans passer par l’acceptation de  l’ensemble des comités décideurs de l’organisation et surtout la possibilité de s’adjoindre de partenaires en provenance de toutes les directions.  Une multitude de dossiers furent dès lors travaillés simultanément dont  voici quelques exemples : Réalisation des plans architecturaux et rénovation de la cuisine, revue des processus, création du menu, élaboration du mode de fonctionnement, développement du logiciel, la création d’une identité visuelle aux couleurs du CHUSJ, etc...
 

Qui peut commander un repas ? 

Tous les patients même ceux ayant des restrictions alimentaires complexes. Pour respecter les diverses restrictions alimentaires, cinq menus ont été créés : régulier, greffe, sans résidu, kasher et glycogénose/fructosémie. Chaque appel est traité par une technicienne en diététique. Actuellement nous implantons  l’offre du service de livraion des repas aux parents  et à l’ensemble des employés du CHUSJ.
 

Comment ça fonctionne? (fig.4) À partir d’un menu « à la carte »

(1), le patient passe sa commande à une technicienne par téléphone
(2), puis dans un délai approximatif de 45 minutes, un repas fraîchement cuisiné
(3) est livré à sa chambre
(4). Les repas peuvent aussi être commandés d’avance à partir de l’hôpital ou de la maison par le patient, ses parents ou par l’équipe soignante. Tout a été pensé pour offrir un service flexible et adapté aux besoins de notre clientèle. Que ce soit une assiette de pâtes pour une mère qui vient d’accoucher ou un bol de céréales comme collation pour un tout-petit juste avant son dodo!

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Culture organisationnel : Mettre le patient au centre de nos préoccupations!

Découlant directement du plan stratégique  2011-2014 établi par la direction du CHUSJ, le service aux chambres s’est avéré un projet d’envergure nécessitant une analyse des processus clés dans la gestion de projet. Ce projet est en lien avec les éléments "qualité et sécurité" et "modernisation" de la planification stratégique, tant pour la nourriture servie à la clientèle que pour l’environnement de travail, en plus de s’inscrire dans la culture de l’établissement (découverte, innovation, responsabilisation). Tout compte fait, le service aux chambres est un mode de distribution centré sur le patient et qui place ce dernier au cœur du processus.
 

Le grand jour!

L’inauguration fût le 19 janvier 2016.  Depuis ce jour, tous les patients hospitalisés (à l’exception de la clientèle en psychiatrie et celle des troubles de la conduite alimentaire) ont la possibilité de choisir leurs repas et collations à l’heure désirée entre 6 h 30 et 19 h et surtout de manger ce qui leur plait.
 

En ce qui a trait aux indicateurs de performance que nous avons  réalisé ceux-ci parlent d’eux même :

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Sommes nous fières de ces résultats?  Certainement!

L’équipe derrière « Délipapilles service aux chambres »

Toute l’équipe des services alimentaires (cuisiniers, préposés au service alimentaire, techniciennes en diététique, assistantes chefs tecnicennes, etc.) s’est mobilisée afin d’offrir à nos patients ce service novateur et personnalisé qui, indéniablement, fait des heureux!  Nous tenons à souligner que ce succès a aussi été rendu possible grâce à la participation des équipes soignantes dans la présentation de ce service aux clientèles.  Ils sont nos porte-paroles et nous les remercions.


Plusieurs autres innovateurs de Nourrir la santé ont aussi mis en œuvre des modèles de service à la chambre dans leur établissement, avec des résultats similaires en ce qui a trait à la satisfaction des patients et la réduction du gaspillage alimentaire. Des exemples :

Bernice Wolfe, directrice des services alimentaires et commerciaux au Children’s Hospital of Eastern Ontario, réalisait déjà des modèles pilotes de service à la chambre en 2003. « Dans le meilleur des cas, on a déjà du mal à convaincre les enfants de manger santé. Les jeunes qui subissent certains traitements mangent souvent à des heures irrégulières et perdent l’appétit. Si on répond vite à leurs besoins, les chances sont meilleures qu’ils mangent bien, ce qui contribue à leur rétablissement. » La famille peut commander n’importe quel plat du menu pour son enfant entre 8 h et 19 h, et la livraison se fait en 20 minutes. Les patients ont présentement un taux de satisfaction de 98 %.

Les innovatrices de Nourrir la santé Tina Strickland et Brenda Macdonald travaillent à réaliser un service à la chambre dans le plus gros hôpital de la Nouvelle-Écosse, le Halifax Infirmary. Dial for Dining, un modèle de service à la chambre offert 24 heures/jour a été lancé en 2008 à l’IWK Health Centre de Halifax, en Nouvelle-Écosse, et peu après sur plusieurs sites de la Nova Scotia Health Authority dans toute la province. L’application de Dial for Dining à l’IWK a fait grimper le taux de satisfaction des patients à 90 % et permis de réduire les restes de 92 %. (Voir une vidéo sur le projet) D’autres sites de la province ont obtenu des résultats similaires avec un modèle de service à la chambre. Les visiteurs et le personnel peuvent aussi commander un repas et profiter de cette option. 

Marianne Katusin, gestionnaire des services alimentaires d’Oakville Trafalger Memorial Hospital, en Ontario, a amorcé le modèle de livraison de repas à la chambre Call to Order pour l’unité de soins mère-enfant et l’unité de médecine/chirurgie en 2011. En plus d’augmenter le taux de satisfaction des patients (qui est passé de 78 % à 96 %), on a fait des économies par l’élimination des plateaux de remplacement et la réduction du gaspillage alimentaire dans une proportion de 7 % du coût brut des aliments, qui représente environ 900 000 $ par année.

Les modèles de service à la chambre sont une innovation emballante vers des services alimentaires plus axés sur le patient. Ils ouvrent la porte à un dialogue plus profond sur la façon de mieux nourrir les patients à l’hôpital, et cela exerce un plus vaste impact sur le plan social, économique et environnemental, ainsi que sur la santé.